9 Novembre 2014
Cela commence par une anecdote. Lorsque je travaillais dans une usine d’un grand constructeur automobile, le DAF de l’époque disait « Dans une usine, il y a deux choses que l’on ne sait pas compter : les hommes et les voitures ». Sous cette provocation se tient en fait une réalité. Lorsque l’on compte quelque chose, de quoi parle-t-on ? Qu'est-ce que l’indicateur « effectif » ? Quel est son contenu ? Sur quel périmètre porte-t-il ? Sur quelle période ? Quelle est sa fiabilité ? Mais surtout à quoi sert-il ?
L’indicateur effectif est [business as usual] pour un homme (ou une femme) de reporting : [1] un indicateur réglementaire pour le bilan social (Code du travail) et pour le rapport de gestion (Code de commerce) ; [2] un indicateur utile à la prise de décision des parties prenantes externes ; enfin, [3] un indicateur de pilotage interne.
Pour les actionnaires, commissaires aux comptes et les institutions représentatives du personnel
L’indicateur — effectif total et répartition des salariés par sexe, par âge et par zone géographique — est le premier indicateur de la liste du décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale, ce dans le Code de Commerce. Il est donc à fournir dans le rapport de gestion, pour l’assemblée générale, pour les sociétés concernées.
Pour les institutions représentatives du personnel
L’effectif est aussi un indicateur de la liste demandée par Bilan social, à l’article R2323-17 du Code du travail, là aussi pour les entreprises concernées. Nous n’approfondirons pas le volet règlementaire et rappelons au passage la nécessité de ne pas se laisser phagocyter ou se limiter à la réglementation.
Tentons de poser, de manière non limitative, quelques-unes des questions que les parties prenantes externes se posent ou pourraient se poser.
Le voisin ?
Le site (établissement ou filiale) de cette entreprise se développe-t-il en termes d’emploi ? Puis-je y trouver du travail ? Puis-je y trouver un stage ?
La mairie, la communauté de communes, de département, la région ?
Quelles sont les perspectives de développement de l’emploi ? Ou un plan de sauvegarde de l’emploi est-il possible ?
Pour le voisin, la commune, les autorités locales, l’indicateur effectif par site (établissement et filiale) est utile et se comprend dans une logique dynamique de l’emploi et de proximité. Pour nombres d’indicateurs, les parties prenantes raisonnent en termes de proximité et d’intérêt, tandis que les volumes globaux (par exemple l’effectif mondial) importent moins, voire sont représentés dans une échelle qu’ils ne peuvent appréhender.
L’actionnaire, l’investisseur ?
Il va chercher à comprendre les variations d’effectifs (croissance organique ou externe, cycle économique), la part de l’effectif dans le business model, les risques de restructuration, le cas échéant. Il va analyser les dynamiques économiques, par exemple par activité ou par région du monde.
Les questions vont être le plus souvent à caractère sectoriel avec une comparabilité intra-entreprise (d’une année sur l’autre), interentreprises (entre toutes les entreprises) ou intra-sectorielle. La donnée « effectif » sert à établir des ratios spécifiques à l’activité, par exemple le nombre de véhicules produits dans une usine automobile en fonction de son effectif équivalent temps plein, le nombre de véhicules par salariés.
Le manager d’un « site » ?
Il a vocation à trouver le juste équilibre entre les facteurs environnementaux, sociaux et économiques. Dès lors, à partir de la donnée « effectif », il peut répondre aux questions suivantes : quelle est l’intensité de main d’œuvre du site (établissement ou filiale), c'est-à-dire le ratio masse salariale/chiffre d’affaires ? Quel est le chiffre d’affaires par salarié ? Quelle est l’unité d’œuvre pertinente par salarié ? Calculer ces ratios, c’est chercher à piloter avec efficience son entreprise ou son entité.
Le manager d’un pays, d’une branche d’activité, d’une région du monde ?
À une échelle supérieure, la dynamique d’une entreprise et sa compétitivité se mesure à l’aune de ses effectifs et fréquemment par parangonnage. À ce niveau, les entreprises se comparent en permanence. De manière agrégée sur un ensemble de site, de pays, dans la même zone géographique, ce en utilisant, par exemple, les indicateurs que suit le manager (cf. ci-dessus). Ce qui guide alors, c’est la recherche d’efficience économique à un niveau macroéconomique, en profitant par exemple des dynamiques de pays (par ex. les BRICS) ou de grandes régions du monde (Asie, LatAm, etc.).
Ces quelques exemples, non exhaustifs, sont vous le comprenez illustratif d’une démarche. Collecter et publier des indicateurs, c’est réfléchir à leurs utilités internes et externes en fonction des publics visés, des supports utilisés, des attentes et besoins de chacune des parties prenantes. Dans sa communication externe, l’entreprise doit penser sa capacité d’influer valablement la prise de décision des parties prenantes externes, en fonction de ses besoins propres et des attentes de ses parties prenantes clés.
© Philippe Cornet, 9 novembre 2014. Tous droits réservés. Toute reproduction intégrale ou partielle de ce document doit faire l'objet d'une autorisation préalable de l’auteur. Toute citation ou utilisation de données doit s'effectuer avec l'indication de la source.