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Performance Intégrée I Performance Extra-Financière I Management des risques et opportunités I ESG I RSE

Le reporting extrafinancier. En quête de comparabilité (s), acte I.

Comparer des pommes et des poires...

Comparer des pommes et des poires...

Sans cesse érigée en principe ou en besoin, la comparabilité des données extrafinancières est aujourd’hui, à de rares exceptions près, particulièrement délicate. Elle suppose une action volontaire et concertée des acteurs soit au sein d’un même secteur d’activité soit via une organisation de type « standard setter ». Tentons de poser les contours de la question sur laquelle nous reviendrons dans de prochaines publications.

Tout d’abord, lorsque l’on parle de comparabilité, il y a lieu d’en distinguer trois acceptions : la comparabilité interentreprises (toutes entreprises et tous secteurs d’activités confondus) – la comparabilité intrasectorielle (toutes entreprises d’un même secteur ou d’un sous-secteur) – la comparabilité intraentreprise (au sein d’une même entreprise, l’exercice achevé avec les exercices précédents). La comparabilité est encadrée dans la règlementation de manière distincte pour l’information financière et l’information non financière.

La comparabilité « interentreprises » et « intraentreprise » des données financières

La comparabilité interentreprises est un principe de base de l’information financière en Europe, par l’utilisation commune et règlementée des normes comptables internationales (IFRS), ce avec une forte antériorité dans les pratiques. Ces normes font l’objet de comités internationaux et d’évolutions permanentes notamment pour les adapter à la complexité des affaires et apporter toutes précisions et recommandations nécessaires dans leurs applications. La comparabilité intraentreprise des données financières permet la comparaison au sein de la même entreprise sur plusieurs exercices. Cette comparabilité suppose la cohérence de l’information et la permanence des méthodes au cours des périodes reportées ainsi que la transparence des méthodes utilisées. Pour en faciliter l’interprétation, un retraitement dit pro forma est possible, lorsque des variations de périmètres importantes ont été constatées au cours d’un exercice. Cela consiste soit à retraiter le passé pour le rendre comparable avec le périmètre actuel, soit à sortir du périmètre actuel les éléments qui n'existaient pas dans les exercices précédents afin de maintenir (rendre visible) l'ancien périmètre.

La comparabilité « intraentreprise » des données non financières

En l’état actuel de la réglementation (article 225), la comparabilité des informations extrafinancières quantitatives listées dans le décret d’application de l’article 225 ne concerne que la possibilité de comparaison par rapport aux exercices précédents. C’est donc une comparabilité intraentreprise.

La quête (et le besoin) de comparabilité intrasectorielle

La comparabilité intrasectorielle n’est pas encadrée par la règlementation. De multiples « standards setters » sont à l’œuvre pour définir de manière volontaire (soft law) les indicateurs pertinents au niveau sectoriel ou subsectoriel. Citons par exemple la GRI, Le SASB, l’IIGCC.

L’initiative de référence concerne le sous-secteur des cimentiers. Par le WBCSD, le Cement Sustainability Initiative (CSI) et ses entreprises adhérentes ont défini de manière conjointe les indicateurs pertinents pour l’activité ciment, activité particulièrement intensive en carbone et source de rejets dans l’air potentiellement polluants.

Il existe une initiative notable en France pour le secteur de la construction par France GBC. Elle concerne principalement le reporting des données environnementales.

Tous les acteurs du marché s’entendent sur le besoin d’une comparabilité des données extrafinancières au niveau sectoriel ou subsectoriel.

De nombreuses initiatives sont en cours sans qu’un consensus soit établi. Le travail reste à accomplir.

D’indispensables précautions méthodologiques pour comparer

Le cas des entreprises multi-activités est un premier facteur qui rend délicat certaines comparaisons. Difficile de comparer, par exemple, Michelin et Continental. Michelin est quasiment à 100 % sur l’activité Pneus. Continental est en partie un équimentier de composants et en partie un pneumaticien. Cet exemple peut être reproduit à l’infini. Essayez de comparer LVMH, avec une importante activité Vins et spiritueux, et Hermès qui est absent de ce sous-secteur. La rigueur méthodologique exigerait alors de publier (reporting extrafinancier) et de comparer (analyse extrafinancière) les entreprises, pour les facteurs environnementaux, sociaux et sociétaux, au niveau des activités-branches et de manière subsectorielle.

La méthodologie utilisée, les limites méthodologiques, le taux de couverture du périmètre, la crédibilité des données par une vérification externe sont autant d'autres facteurs qui doivent inciter à comparer les données extrafinancières entre différentes entreprises avec beaucoup de discernement et de précaution…

Enfin, la définition des secteurs et sous-secteurs d’appartenance doit être claire et s’appuyer sur des référentiels partagés. La encore, quelle est la segmentation sectorielle ou subsectorielle ? Celle de l’Industry Classification Benchmark (ICB) par Dow Jones et FTSE, utilisée par Euronext – du Global Industry Classification Standard (GICS) par MSCI – ou la classification des activités de la NACE (nomenclature européenne des activités économiques) ? Vous l’aurez compris, comparer les données extrafinancières nécessite une grande rigueur méthodologique et intellectuelle.

Reste que comparer — des choux et des carottes (en France) — des pommes et des oranges (aux USA et au Canada) — ou en encore des pommes de terre et des patates douces (en Amérique Latine) — des pommes et des poires (au Royaume-Uni) — est une activité on ne peut plus commune…

© Philippe Cornet, 24 décembre 2014. Tous droits réservés. Toute reproduction intégrale ou partielle de ce document doit faire l'objet d'une autorisation préalable de l’auteur. Toute citation ou utilisation de données doit s'effectuer avec l'indication de la source.
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