11 Juillet 2016
Les lois locales auxquelles s’ajoutent les référentiels de reporting extrafinancier volontaire et autant de standard setters créent pour les émetteurs d’information extrafinancière une complexité à laquelle est associée… une certaine perplexité… Dès lors, comment se recentrer sur l’essentiel et ne pas être ou rester prisonnier des référentiels existants ?
Le référentiel a la capacité à simplifier le travail certes, mais aussi à enfermer les esprits, à faire rentrer dans une logique « framework like ». C’est donc une vigilance de tous les instants qu’il faut mettre en œuvre pour interpréter l’information souhaitée par le référentiel au regard de ses finalités et y répondre de manière adaptée, voir de ne pas répondre…
Sortir du « box-ticking », ne plus se contenter de cocher des cases. Dans notre article « esprit de l’article 225 es-tu la », nous évoquions les objectifs sous-tendus de l’article 225 du Code de commerce et la prise de recul qu’il faut, qu’il faudrait avoir pour son application…
Tout comme l’article 225 fixe, pour le rapport de gestion, un certain nombre de cibles (actionnaires, IRP, CaC), une démarche efficiente conduirait à définir des cibles et microcibles, à les connaitre en profondeur et à qualifier le comportement attendu par l’entreprise de ces cibles.
Définir une cible et savoir quels sont ses attentes et intérêts légitimes conduit à entrer dans une logique de pertinence. Respect du principe de matérialité et indicateurs les plus significatifs (pour l’AMF) — materiality (pour la GRI et l’US-SEC) — caractère significatif (pour le CNCC) — pertinence ou non (pour l’article 225 du code de Commerce) — sélectivité et éléments prépondérants (pour l'IIRC)— si la question a progressé depuis quelques années, les investisseurs restent encore pour le moins dubitatifs.
64 % considèrent en effet, selon une récente étude de Natixis Global AM — Smart Money Never sleeps — de janvier 2016, que les critères ESG relèvent du domaine des PR « Public Relations ».
Et la mesure de la satisfaction des cibles versus l’information proposée devrait faire partie des processus récurrents d’amélioration continue…
Temps à passer ou passé par la cible et support utilisé (print, web, data, etc.) devraient aussi mobiliser les attentions. Les rapports sont fleuves, les informations disséminées.
Imaginez le temps passé par un-e analyste extrafinancier qui suit plusieurs secteurs et de nombreuses valeurs (de 60 à 80). Sur le nombre de jours ouvrables (220), cela fait entre 2 et 4 jours par valeurs, pour lire, comprendre, analyser, rédiger, etc. Sachant que Bloomberg ESG lui facilite la tâche…
Vivent les résumés, les essentiels et autres « executive summary ». Est aussi venu le temps d'une approche data...
Sur un secteur d’activité donné, 8 à 12 sujets sont pertinents, pas 42 (loi) ou 90 (GRI). Il y aurait donc lieu d’approfondir les thèmes clefs (comply) et de ne pas traiter les sujets non pertinents, ou de les traiter à minima (notion de comply a minima).
Osez ne pas traiter un sujet non pertinent ! Et expliquez pourquoi il ne l'est pas (explain).
La comparabilité est, pour de nombreux acteurs, une nécessité. Pour autant, il convient de distinguer plusieurs comparabilités ainsi que nous l’évoquions dans notre article "le reporting en quête de comparabilité(s)".
La comparabilité suppose prioritairement un travail de conserve entre tous les acteurs d’un même secteur. Et le chemin est encore long pour disposer d’éléments comparables. Seule la SASB emprunte massivement cette voie.
Mais il y a lieu aussi d’être spécifique. La pertinence, si elle s’appuie sur une base sectorielle, doit aussi prendre en compte les caractéristiques spécifiques de l'entreprise (performance et contreperformance, implantations, historique, etc.) et les inflexions portées par son projet (projet d’entreprise, stratégie à x années). Le contexte d'une entreprise, ce n'est pas seulement le contexte sectoriel.
Dans sa recommandation sur les facteurs de risques l’AMF rappelle « qu’il convient d’éviter des développements trop généraux et trop standardisés qui pourraient être appliqués à toute une série d’émetteurs, sans vraiment refléter la réalité et surtout les spécificités des risques auxquels l’émetteur est confronté. ».
Une analyse approfondie des rapports montre une surreprésentation des démarches de management — DMA selon la GRI — KPN selon l’EFFAS — Organisation, démarches, politiques ou encore mesures prises dans l’article 225 du Code de Commerce — ce au détriment des résultats quantifiés.
Si l’initialisation débute toujours par une démarche, elle doit produire des résultats mesurables. Et mesurés. Et la part d’information consacrée aux résultats devrait être dominante. Mais la pression des évaluations et autres questionnaires pour obtenir des informations qualitatives est là…
Baromètre de satisfaction des salariés, des fournisseurs, des clients ? Si les émetteurs mettent en place des démarches et les mesurent, ils véhiculent par trop une vision Corporate centric avec une évaluation du seul point de vue de l’entreprise…
Un exemple, si le capital humain est important, c'est peut-être aux salariés de dire qu'ils sont satisfaits ? Non ?
La multiplicité des questionnaires qu’ils émanent de grands clients, d’agences spécialisées dans l’évaluation des fournisseurs, des agences de notations extrafinancières, des indices extrafinanciers, etc. amènent les entreprises à déployer des efforts et moyens considérables sur la collecte et la consolidation des données. Au risque d’être exclues des marchés…
Un amaigrissement et une cohérence seraient souhaitables. Faites leur savoir ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas.
De l’intérêt renouvelé de la pertinence… Et de la maitrise « big data » des informations ESG…
© Ph2C Philippe Cornet Conseil | lundi 11 juillet 2016, mis à jour le 15 juillet | Tous droits réservés | Toute reproduction intégrale ou partielle de cet article et des documents associés doit faire l'objet d'une autorisation préalable de l’auteur. Toute citation ou utilisation de données doit s'effectuer avec l'indication de la source.