15 Décembre 2016
Trop d’information tue l’information. Qui n’a pas un jour prononcé cette antienne dans le cadre professionnel ? Envahi, surchargé, submergé par la quantité d’information… Déçu par sa pertinence, sa qualité. La RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), porteuse des enjeux sociaux, environnementaux et sociétaux, court le risque d’être l’excroissance organisationnelle qui produit le « pavé annuel ». L’avènement du big data pourrait nous faire oublier les principes les plus simples. À qui s’adresse l’information et quelle décision permet-elle de prendre ?
L’enquête AFEP-MEDEF-ORSE* sur les pratiques de reporting extra financier des grandes entreprises françaises de février 2014 constatait la multiplication des supports d’information [rapport de gestion, document de référence, rapport développement durable, volet internet du site corporate, site internet dédié, etc.] ; des cibles [actionnaires, agences extrafinancières, clients grands comptes, Institutions représentatives du personnel, autres parties prenantes] ; ou encore des usages [informations push et pull, roadshows, etc.].
Cette même enquête révélait qu’en moyenne - les entreprises communiquent 81 indicateurs et en mettent 31 en exergue - que 54% collectent entre 1 et 10 indicateurs, 28% entre 101 et 200 et 10% plus de 500. L’enquête n’est pas récente certes, mais elle reste d’actualité.
Plus récemment, dans son rapport 2016 sur la responsabilité sociale, sociétale et environnementale de novembre 2016, l’AMF [Autorité des Marchés Financiers] précise « d’un point de vue purement formel, un nombre moyen de pages (moyenne : 33 pages ; minimum : 3 pages ; maximum : 117 pages) consacrées à la RSE en très nette augmentation, progressant en moyenne de près de 40 %. », ce depuis le précédent rapport de novembre 2013.
L’AMF forte de ses constats précise « Le volume croissant de l’information extra-financière devrait conduire les sociétés à privilégier des démarches visant tant à sa simplification qu’au renforcement de sa pertinence, ce qui implique sans doute un effort de concision des messages et de sélection des indicateurs. »
Toujours parmi les publications récentes, Paris Europlace, dans un position paper du 8 décembre 2016 « Création de valeur et reporting des entreprises » recommande « Pour les entreprises, simplifier leur cadre institutionnel de communication et limiter le volume et le foisonnement des documents produits, en se concentrant sur les enjeux matériels et sur l’intégration des données financières et extra-financières. »
Face à cette masse d’information, ce constat de surcharge, le temps est venu de réorienter les pratiques et les approches.
Vers une CSR-UX : un parcours, une intention, un temps et une expertise.
Pour faire un parallèle, dans le monde du « digital » on parle d’expérience utilisateur. User Experience. UX.
Permettez-moi, à titre exceptionnel, de vous compter une expérience personnelle. Lorsque j’étais analyste extra-financier [Crédit Agricole Cheuvreux, secteur médias, automotive, luxury goods], je commençais toujours par prendre connaissance des présentations financières faites aux analystes. Puis je parcourais le chapitre facteurs de risques du document de référence, puis les informations non-financières du rapport de gestion et enfin le rapport de développement durable, s’il existait. Je complétais, selon les cas par des interviews d’entreprises. Si l’on généralise, il y a donc pour chaque type de recherche d’information, un parcours. Quel est le parcours de la recherche d’information ? Voilà le premier élément de cette UX.
Les questions auxquelles je cherchais à répondre étaient simples. Quels sont les sujets matériels au niveau sectoriel ou subsectoriel ? Matériels compte tenu des caractéristiques spécifiques de l’entreprise, de ses performances et contreperformances ? Matériels compte tenu de son projet. Sur ces 3 dimensions de la matérialité, 8 à 12 enjeux au maximum… Ensuite j’essayais d’analyser l’information sur les différents leviers de « RoI » [maitrise des risques, stratégie-prospective, compte de résultat, bilan, valorisation, capital immatériel] pour étayer mes recommandations aux clients (Asset Managers).
Deuxième point donc, il y a une intention précise derrière la recherche, un besoin précis d’information. Par extension, quelle est l’attente, l’intérêt légitime de celui qui cherche l’information... Quelle décision veut-il, peut-il ou doit-il prendre ? C’est la pertinence de l’information pour un objectif ou une intention donnée. Pour un investisseur, la matérialité. Et il y a d’autres attentes et d’autres cibles…
Plus récemment, la lecture d’un rapport de développement durable complet m’a pris 5 heures et trente minutes. Il y a derrière chaque recherche d’information un temps à passer auquel correspond un niveau de synthèse, de concision ou d’approfondissement. Quel est le temps disponible à consacrer à la recherche d’information ?
Dernier point de cette expérience, CSR-UX, il y a la question du niveau d’expertise de celui qui recherche l’information. Outre l’effort de pédagogie, de compréhensibilité, de clarté, de concision, le niveau de connaissance et de maitrise de l’entreprise, de son secteur d’activité est déterminant. Quel est le niveau de maitrise de celui qui cherche l’information ?
Un parcours, une intention, un temps à passer, un niveau d’expertise. Tout concourt à se reposer la question du point de vue du destinataire, de la cible et pas de l’émetteur. Tout concourt à travailler dans le sens de plus de pertinence, pour chacune des cibles. Tout concourt à sortir de logique d’émetteur – c’est de l’information – pour aller vers une logique de l’échange – c’est de la communication.
« La société se caractérisera par une surabondance d'informations. Le défi sera de ne pas confondre l'accessoire et l'essentiel » Aurélie Royet-Gounin.
Plus que jamais l’information pertinente, « matérielle », au bon niveau de synthèse. De concision.
© Ph2C [Philippe Cornet Conseil] | jeudi 15 décembre 2016, update le 22/12/16 | Tous droits réservés | Toute reproduction intégrale ou partielle de cet article et des documents associés doit faire l'objet d'une autorisation préalable de l’auteur. Toute citation ou utilisation de données doit s'effectuer avec l'indication de la source.
* AFEP Association Française des Entreprises Privées ; MEDEF Mouvement des Entreprises de France ; ORSE Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises.