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Performance Intégrée I Performance Extra-Financière I Management des risques et opportunités I ESG I RSE

Durabilité-ESG. Propos iconoclastes. Faut-il sauver la CSRD ?

Réglementations, lois et normes

Réglementations, lois et normes

Il est d’usage dans les professions du conseil et de l’audit de défendre la CSRD. J’ai depuis l’origine porté un regard critique sur celle-ci, les stagiaires de la formation continue, client.e.s et autres posts pourraient en témoigner.

Je voudrais aujourd’hui, alors que le débat fait rage, vous apporter un éclairage différent., loin de la doxa RSE.

Quelle légitimité ai-je pour m’exprimer ? Un long long chemin comme praticien du reporting extrafinancier, depuis la loi NRE (Renault), en qualité d’analyste extrafinancier (Crédit Agricole Cheuvreux), en tant que directeur de mission d’audit DPEF (SGS-ICS, sté du CAC40), depuis 2012 en tant que consultant indépendant (PME, ETI, Grands groupes, organisations professionnelles) et formateur (organismes de formation, grandes écoles). J’ai été formateur GRI, participé aux travaux de l'IIRC, du SASB, du FIR. Une expérience singulière et d’une grande richesse.

J’essaie d’avancer avec humilité et humanité. Je défends depuis toujours le pilotage intégré de la performance : opérationnelle, financière et non-financière.

Attention, ne vous méprenez pas sur le propos qui suit… Je défends l’absolue nécessité de la maitrise de la performance non-financière, avec une orientation résultats.

A la lecture de ce qui suit, évitez, s’il vous plait, les commentaires incendiaires propres aux réseaux asociaux, ils ne vous grandiraient pas. Documentez, contre-argumentez, oui.

Certains confrères, devant mes commentaires critiques répétés sur la CSRD, m’ont accusé de « cracher dans la soupe ». Quelle élégance... Je ne vais pas à la soupe et je ne me livre pas à l’opportunisme commercial CSRDesque.

Allons-y, je voudrais ici « démonter » quelques idées reçues. Premier article d’une série… Idées reçues de 1 à 3, sur une quinzaine identifiée. 

Idée reçue n°1 : les entreprises doivent rendre compte et être transparente. Il en va de la confiance entre les acteurs économiques.

Tout à fait d’accord. Pour autant, cette approche à une énorme limite. Elle ne concerne qu’une partie des acteurs de la société. Les états, les collectivités locales et territoriales, les EPIC, les grandes associations, etc. sont eux aussi concernés par le principe de transparence et de redevabilité. Ils sont tout aussi concernés par les enjeux environnementaux, les enjeux sociaux et sociétaux. Ils emploient des millions de personnes font des millions d’euros d’achats. Ils détiennent un pouvoir considérable pour une société plus humaine, éthique et respectueuse de l’environnement. Ils doivent également rendre compte à l’ensemble des parties intéressées, parmi lesquels les citoyens, de leurs actions.

Il y a, dans l’obligation de la CSRD, un biais : c’est aux entreprises d’agir et de rendre compte de manière structurée. Oui mais pas seulement. Elles ne détiennent qu’une partie du pouvoir économique et social. Un exemple, j’aimerais disposer du plan de transition climat de ma communauté de commune, de son action pour lutter contre l’artificialisation des sols, de sa gestion des effectifs, de sa politique de prévention du risque d’inondation, etc. Ce en fonction de sa mission réglementée et de ses marges de manœuvre.

Quelques données chiffrées France. Budget de l’état : 490 Mds € ; budget des collectivités locales et territoriales : 255 Mds€ ; budget des associations : 110 Mds€ dont 45% de financement publics, etc.

Proposition n°1 : mettre en œuvre des réglementations de « rendre compte et de transparence » qui s’appliquent à l’ensemble des acteurs économiques, sous conditions de seuils (ETP, budget) et de manière adaptée à leurs missions et leurs pouvoirs d’action.

Les transitions environnementales, la recherche d’une société plus juste, l’éthique des affaires, sont l’affaire de tous les acteurs économiques. Le principe de redevabilité et de transparence devrait s’imposer à tous.

 

Idée reçue n°2. La législation est un levier efficace pour la transformation des modèles d’affaires des entreprises.

Le présupposé est que la législation va entrainer des comportements vertueux… C’est bien mal comprendre le fonctionnement des entreprises. Oui il faut utiliser le levier de la législation, mais à plusieurs conditions. D’abord que les législations soient pensées en termes de conduite du changement et de résultats et ensuite qu’elles soient synchronisées dans leur élaboration, avec une vision stratégique.

Multiplier les textes (Je vous ferai grâce de les lister tous, vous pouvez lire les travaux de Gide ou de l’ORSE) sans articulations entre eux, tout simplement parce qu’ils sont élaborés par des directions différentes au sein de l’UE est contre-productif. La synchronisation, la transversalité et la pluridisciplinarité, c’est aussi pour le législateur… Quel bazar aujourd’hui !

Produire des textes de 400 pages (lois plus normes) qui nécessitent des centaines de pages de guides, qui occasionnent des milliers de questions est totalement contreproductif. Produire des textes qui occasionnent un tel rejet devrait sévèrement questionner leurs auteurs et les modalités d’élaboration.

Produire des textes qui engendrent une insécurité juridique pour les entreprises, dont même le législateur-normalisateur ne maitrise plus les tenants et aboutissants, qui donnent un pouvoir exorbitant au seul cabinet aillant la taille critique est inacceptable. L’entreprise doit en toute occasion rester maitre de son destin.

Ne pas tenir compte du contexte économique et géopolitique, des dépendances et indépendances dans la chaîne de valeur est irréaliste. Ne pas tenir compte des caractéristique ou des difficultés de tel ou tel secteur est dangereux.

Pour conduire le changement, les états doivent utiliser tous les leviers en leur possession. Pas seulement la législation.

Programmes massifs de R&D, Investissements publics et subventions dans les transitions, "Incentive" et pas seulement taxes, Investissements massifs dans les compétences, etc. sont les corolaires de législation si l’on veut réellement transformer la société.

Il n’y a aucune raison de renoncer au pacte vert. Il y a lieu de repenser totalement notre manière d’opérer en termes d’efficacité et de résultats. Et surtout, il ne faut pas confondre le moyen et sa finalité. Le reporting est un moyen parmi d’autres.

Partant de l’actualité :

  • Où est "l’Airbus" des batteries ?
  • Où est la production d’une énergie électrique stable et compétitive en Europe ?
  • Où est la maîtrise de nos dépendances aux pays autoritaires ? aux technologies américaines ? aux ressources rares ?
  • Où est le programme de recherche sur la batterie solide ?
  • Où est la stratégie de sortie coordonnée du pétrole ?

Résultat des dizaines de secteurs en difficulté et un plan de compétitivité pour « rattraper les erreurs du passé ». On peut pousser tous les cris d’orfraie pour « sauver la CSRD », cela ne sert à rien. Il faut repenser la place de la loi et penser efficacité des politiques publiques et suivi de leurs résultats… Avec une dimension tactique et stratégique.

Attention cependant, dans les difficultés actuelles, les entreprises portent une part de responsabilité, que ce soit le secteur auto, le secteur de la chimie. Il faudrait veiller à ne pas socialiser les pertes et privatiser les profits. Il y a eu des erreurs stratégiques.

Proposition n°2. Utiliser tous les leviers de transition à disposition des états de manière synchronisée : R&D, Investissements, Compétences, Législation, Bonus/malus, etc. Développer une vision stratégique, tactique et synchronisée des réglementations. Penser efficacité des politiques publiques.

 

Idée reçue n°3. Une entreprise de 250 personnes est une « grande entreprise »

Partant d’une anecdote, j’ai parmi mes relations professionnelles une entreprise de 50 personnes qui dépasse les seuils financiers et donc qui est concernée par la vague 2 CSRD… Imaginez…

Cela pose plusieurs questions : 1) l’adaptation des exigences réglementaires à chaque niveau de seuil 2) la multiplication des seuils 3) le franchissement des seuils et enfin 4) les dispositions annexes par seuils (investissements, recherche, bonus/malus, subventions, etc.)

Oui les seuils sont un bon levier de l’action publique, par adaptation des réglementations et exigences à chaque seuil, ce en tenant compte notamment des impacts induits en termes de moyens humains, techniques et financiers…

Attention cependant à la multiplication des seuils que ce soit en France et en Europe. Il existe en France un seuil ETI dans la statistique publique (de 250 ETP à 5000), il serait adapté à la CSRD. Oui, on devient une grande entreprise à plus de 5000 ETP.  Cette catégorie pourrait faire l’objet d’une vrai politique « Mittelstand »… en utilisant tous les leviers (cf. idée n°2).

Le franchissement des seuils est aussi une étape critique pour une entreprise. Donc faire évoluer les seuils oui, mais prévoir, dans les lois (EU et Fr) une période de transition lorsque l’entreprise franchit un seuil. Penser encore et toujours au temps d’adaptation, aux compétences nécessaires. Un peu de pragmatisme et de réalisme que diable.

Proposition n°3 : créer un seuil ETI, avec des exigences adaptées, des dispositions de franchissement de seuils et des politiques publiques adaptées (R&D, investissement, etc…)

Pour conclure ce premier article...

L’urgence de l’action doit impérativement nous amener à nous concentrer sur l’efficacité des politiques publiques et leurs résultats. Pas sur la multiplication des lois ou leurs seules simplifications.

Ce qui se passe sur SFDR et Taxonomie environnementale est un exemple de ce que nous ne devons plus accepter collectivement. Faire, défaire et refaire, pour des résultats si maigres. J’y reviendrai.

Je terminerai ce premier article de la série par deux citations, si vous le voulez bien.  

« C’est parce que nous sommes en retard qu’il faut prendre notre temps ». Gabriel Garcia Marquez. Pour ne pas confondre vitesse et précipitation.

 « Il faut passer du culte de la norme au culte du résultat ». Jean-Denis Combrexelle. Pour cesser de penser que les lois et normes vont sauver le monde, repenser la place de la loi et ne pas se satisfaire de résultats médiocres ou pas au rendez-vous.

A très vite pour d’autres idées reçues. Sur la double matérialité, les données, l'audit de durabilité, les investisseurs et les flux d'investissement, la temporalité, la science...

Ph2C] Philippe Cornet Conseil © publié le 30 janvier 2025 à 16h15, mis à jour à le 31/01 à 9h35 I Tous droits réservés.

 

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